26.4.2023
Temps de lecture : 3’26  min

Les femmes entrepreneures du Village prennent la parole

En 2019, 8% des startups sont fondées ou co-fondées par des femmes et elles ont 30% de chances en moins de lever des fonds par rapport aux équipes masculines. Les femmes fondatrices et co-fondatrices de startups ne récoltent que 5% des fonds alloués chaque année aux jeunes entreprises innovantes par les fonds de capital risque français.*

Au Village, sur 100 startups Tech accélérées, il y a actuellement 25 femmes fondatrices ou co-fondatrices, un peu plus si l'on compte les alumnis. Elles ont tous les profils et sont de tous les domaines, idéal pour faire un petit tour d'horizon. La parole à Anne Clotteau (Thank You And Welcome - RH), Brigitte Thito (Family Self Care - HealthTech), Charlotte Le Blan (Adaptia - HealthTech), Delphine Monti (Finwedge - FinTech), Frédérique Chabbert (Effency - RH), Louise du Bessey (Marcelle Dormoy - Retail), Magalie Safar (Koliving - PropTech), Sandrine Murcia (Cosmian - DeepTech), Shirine Maher (Edzo - Commerce) et Shu Zhang (Pandobac - GreenTech) !

Dans quelle mesure être une femme est une difficulté pour créer une entreprise ?

Pour certaines, le plan familial change bien la donne dès la création de l'entreprise. Mais c'est surtout le champs lexical du combat qui revient le plus : les batailles sont de longues haleine, se déroulent en milieu hostile...et révèlent des héroïnes.

"On est souvent moins prises au sérieux, que ce soit dans le monde professionnel ou dans notre cercle personnel, comme si notre activité était un passe-temps plus qu’une véritable façon de gagner notre vie." Charlotte Le Blan, Adaptia

"L'a priori est perceptible dans mon secteur bien-être et a été confirmé pendant une interview avec un journaliste économique bien connu." Brigitte Thito, Family Self Care

"Etre une femme peut être un atout mais surtout un obstacle, notamment lorsque l'on développe son activité dans des métiers ou des secteurs habituellement réservés aux hommes. Les secteurs de la finance de marché et de l'informatique (SSII) en sont un bon exemple. Les règles de conduite et les pratiques sont souvent basées sur des rapports de force pré-établis où il y a peu de place pour la concertation et le partenariat." Delphine Monti, Finwedge

"Il y a tellement peu de figures de femmes visibles qui ont entrepris et réussi, que c'est forcément intimidant. On a l'impression de se retrouver dans un milieu d'hommes, et de faire tâche. Avec Pandobac en plus, on n'interagit uniquement qu'avec des hommes, puisque nous proposons nos services à des grossistes alimentaires de Rungis. Tous nos interlocuteurs principaux sont des hommes. Par contre, c'est paradoxal, mais nous n'arrivons à recruter que des femmes, et notre équipe est donc très déséquilibrée en termes de mixité !" Shu Zhang, Pandobac

"En même temps, elles sont très fortes pour faire plusieurs choses en même temps ! En dehors de ce sujet de maternité, je ne vois pas d’autre différence majeure, hormis celle que le fait d’être une femme entrepreneure semble rassurer, inspirer confiance." Louise du Bessey, Marcelle Dormoy

"En tant que femme, nous pouvons être moins prise au sérieux, et devoir plus se battre pour prouver notre valeur. Mais d'un autre côté, nous ressortons du lot, parce que les gens nous remarquent. Donc il faut réussir à transformer un handicap à la base, en une force." Shu Zhang, Pandobac

Certaines ne voient pas de différence, le combat de l'entrepreneuriat est le même pour toutes et tous.

"Pour moi, une femme est une entrepreneure comme les autres. Il n’y pas de genre à l’entrepreneuriat. Il y a juste la volonté de concrétiser un projet, de lui faire prendre vie sur la base d’une vision, d’ambitions, d’orientations stratégiques… Créer une entreprise c’est souvent plus un projet de vie qu’un projet professionnel, il faut y mettre sa tête, son cœur, ses tripes et une bonne partie de son énergie. Pour ce qui est de la gérer il y a encore un peu d’inégalité sur la conciliation des temps de vie mais c’est le cas également pour les femmes salariées et le confinement nous a tous mis (femmes et hommes) au défi d’animer ou de participer à des visio-conférences avec nos enfants en bande sonore." Anne Clotteau, Thank You And Welcome

"Ce que j’ai constaté, je crois que les hommes pourront s’y retrouver également : c’est qu’être entrepreneur(e) c’est un marathon. Il ne s’agit pas seulement d’être bon(ne) au sprint, il faut être résistant(e) et résilient(e) dans la durée. Je n’avais pas conscience de ce temps long avant de me lancer. J’ai dû apprendre à pitcher, à communiquer, à construire un modèle économique scalable, à comprendre les besoins de mes clients..." Frédérique Chabbert, Effency

Et pour les levées de fonds ?

Pour la levée de fonds, dans les statistiques comme dans les témoignages des femmes entrepreneures, la différence avec les hommes entrepreneurs est très marquée. Les femmes manquent de crédibilité et ont beaucoup d'appréhensions.

"La simple anecdote qu’il m’a été conseillé de m’associer avec un homme pour trouver des financements parce que je suis encore physiquement en âge de procréer le démontre. Le différentiel de soutien est assez net quand il s’agit de lever des fonds. Les stats parlent d'elles-mêmes et viennent appuyer cette difficulté. Une transition positive est en cours mais il y a encore beaucoup à faire." Anne Clotteau, Thank You And Welcome

"Préalablement à la redéfinition de notre structure actionnariale chez Finwedge, j'ai participé à des rencontres avec des potentiels investisseurs qui exprimaient leur vision en s'adressant à mes associés masculins me relèguant au rôle d'attachée de communication. Ce qui a renforcé chez moi la conviction que les relations entre entrepreneur et investisseur doivent être équilibrées et transparentes qu'ils s'agissent de parties prenantes au féminin ou au masculin." Delphine Monti, Finwedge

"Dans mes réseaux, la différence que je perçois est qu 'il est difficile de trouver des associés quand le CEO est une femme." Brigitte Thito, Family Self Care

"Dès les premiers rendez-vous avec des VC’s, je suis aperçue qu’en tant que femme, je ne parlais pas le même langage. Je cherchais à être factuelle et pragmatique mais cela semblait comme un manque d’ambition. Je constate que ma plus grande aversion au risque m’empêchait d’avoir les ambitions suffisantes ou de les exprimer ouvertement. Avoir un associé masculin constitue un atout certain pour mettre la barre plus haut, avoir des rêves de changer le monde ou même de construire une licorne !" Shirine Maher, Edzo

"Je n'ai pas ressenti de différence sur la levée de fonds. Mais j'avais entendu une étude du BCG qui démontrait que les femmes levaient en moyenne de montants beaucoup plus faibles que les hommes. C'est moi qui me suis occupée seule de tous les RDV avec les fonds, et les investisseurs. Je n'ai jamais senti que le fait d'être une femme représentait une difficulté supplémentaire pour avoir des financements, mais peut-être suis-je maintenant habituée au regard que les gens me portent. Pour l'anecdote, j'étais enceinte pendant les démarches de recherches de fonds, et j'avais peur que ça soit très mal vu ! Mais on a réussi à lever le montant qu'on recherchait, et j'en suis très fière !" Shu Zhang, Pandobac

Pour manager votre équipe ?

Pour ce point de vue, je recueille des témoignages très différents. Certaines se contentent d'un "Non.", les autres ont des réponses variées.

"Un management au féminin est idéal pour monter une entreprise ! En phase de construction du projet, on fait appel à la motivation, à la foi de nos équipes. Il faut gérer les émotions, tout le non-rationnel. La sensibilité féminine peut apporter de la diplomatie et de la résilience qui permettent d’engager les bonnes volontés." Louise du Bessey, Marcelle Dormoy​

"L'introduction d'un modèle de management par projet quelque soit le périmetre concerné est un atout chez Finwedge, mais cela n'est pas lié au genre féminin. Un homme comme une femme aurait pu introduire une organisation du travail identique. Le maintien d'une culture de la diversité et de la mixité comme opportunité de créativité et de croissance l'est également. Le management féminin peut être ressenti comme rassurant et a priori moins dur mais il s'agit souvent d'une croyance ancrée dans notre éducation. Plus qu'une différence de genre il s'agit plutôt d'une différence de caractère." Delphine Monti, Finwedge

"Comme je le disais, notre équipe est majoritairement féminine et les quelques hommes au sein de l'équipe ne voient aucune différence entre une femme et un homme manager. C'est aussi parce qu'on doit choisir et recruter les bonnes personnes, qui partagent les mêmes valeurs que nous !" Shu Zhang, Pandobac

"A l’heure actuelle, je ne trouve pas que cela pose de problème particulier. Et par le passé, j’ai eu l’occasion de manager des équipes et cela ne m’a pas posé de problème vis-à-vis de mes collaborateurs. En revanche, c’en était plus un par rapport aux managers d’équipes hommes qui ne me considéraient pas toujours comme leur égal." Charlotte Le Blan, Adaptia

"J'ai l'impression la principale différence dans le management de l’équipe entre une femme entrepreneure et un homme entrepreneure est dans notre façon de communiquer. J’ai tendance à déléguer davantage et à être très à l’écoute de l’équipe. Je recherche avant tout l’adhésion de notre team plutôt qu’à m’accrocher à ma seule expertise. Cette différence a pour conséquence de favoriser la concertation mais cela peut également ralentir la prise de décision." Shirine Maher, Edzo

"Je ne pense pas qu'il y ait de différence de ce point de vue. Nous sommes peut être capables d'embrasser des sujets plus vastes et de prendre en compte des éléments plus personnels, comme le bien-être des employés. Mais cela mériterait une analyse plus poussée." Brigitte Thito, Family Self Care

Un conseil pour celles qui hésitent à se lancer dans l'entrepreneuriat ?

Chères (peut-être) futures entrepreneures...

"Prenez conscience qu’il va falloir apprendre à conjuguer des extrêmes opposés : l’organisation vs. le lâcher-prise, la confiance vs. l’humilité, la flexibilité vs. la résilience... Et donc cultiver une sainte auto-bienveillance !" Louise du Bessey, Marcelle Dormoy​

"Faites la liste des pourquoi vous voulez entreprendre + la liste de ce qui vous retient = tirez-en les conclusions. Que devez-vous faire pour que les 2 listes se rejoignent, avez-vous besoin d'approfondir des points ? Est-ce que c'est parce que ce n'est pas le bon moment mais alors le bon moment ce serait quand et pourquoi ? Etc. Une hésitation, ce n'est pas un obstacle ! Et même les obstacles se franchissent. Revisitez régulièrement vos listes, et comme tout projet, donnez-vous un plan d'action et des deadlines pour les faire converger. Et si vous décidez de ne pas franchir le pas, vous saurez précisément pourquoi - et peut être prête y repenserez-vous plus tard. Rien n'est jamais figé." Sandrine Murcia, Cosmian

"Si vous avez des solutions à apporter pour créer un monde de demain écologiquement plus responsable et économiquement plus viable alors vous êtes prête pour l'entrepreneuriat. Comme le souligne une étude du MIT à Boston, l'âge moyen d'un(e) entrepreneur(e) qui réussit dans son projet est de 42 ans. Il n'y a pas d'âge pour faire le pas. Il faut une vision, de l'audace, beaucoup de travail et peut-être un peu de chance." Delphine Monti, Finwedge

"Ce n'est pas vraiment un conseil, mais plus une information : il y a énormément d'aides financières, de subventions, de prêts pour les femmes entrepreneures, et tout autant de dispositifs d'accompagnement et de mentoring. Pas besoin d'avoir peur d'être seule dans l'aventure, il y a plein de gens qui sont prêts à aider et à aiguiller, et à commencer par moi !" Shu Zhang, Pandobac

"Nous sommes des entrepreneures avant d'être des femmes entrepreneures, voici ma règle générale. Ensuite, pour se lancer dans l’aventure, je résumerai en 3 conseils : faire preuve d’humilité et se former en permanence, se faire confiance et avancer vite, écouter son instinct. J’ajouterai le principe classique mais peu appliqué qui est celui de chercher à faire acheter son produit ou service le plus rapidement possible. Enfin, l’entrepreneuriat est selon moi un mode de vie, et comme tout équilibre, il se pense, se construit et s'entretient." Magalie Safar, Koliving

"Je pense qu’il est important d’être bien entourée : des associés avec des complémentarités, un écosystème adapté (accélérateur, incubateur …) pour partager et échanger." Shirine Maher, Edzo

"Les filles, développez ce que vous avez de précieux en chacune d'entre vous, pour en faire vos forces. Vous pourrez tracer votre propre chemin. Il ne sera pas facile, mais vous fera grandir, vivre vraiment et réinventer vous-même vos propres modèles d'être une entrepreneure. De plus, c'est très important d’être accompagnées. Je l’ai été au début par Willa, l’incubateur pour la mixité dans la tech et j’ai appris avec eux mon nouveau métier d’entrepreneure. Puis par Le Village qui m’apporte au quotidien le réseau qui nous permet d’accélérer." Frédérique Chabbert, Effency

"Pour créer une entreprise, il faut oser, croire en son idée et aller jusqu’au bout. Etre une femme demande probablement plus d’efforts pour exister mais, au bout du compte, ça fonctionne." Charlotte Le Blan, Adaptia

"Osez, de dépassez votre peur de l’échec, arrêtez de vous sous-estimer, ayez confiance en vous et trouvez les bons soutiens pour faire avancer votre projet (cela vaut aussi pour les hommes). N'hésitez pas mais sachez vous entourer. Les structures d’accompagnement (incubateurs, accélérateurs), les réseaux professionnels féminins & mixtes et les acteurs du développement territorial (CCI, région/départements, technopoles), sont selon moi clés pour la réussite des projets. Conciliez les temps d’accélération car 24 heures dans une journée ne suffisent pas et sachez décélérer de temps en temps pour recharger les batteries et récupérer toute l’énergie nécessaire pour poursuivre l’aventure. Devenons des sources d’inspiration pour nos filles et nos garçons." Anne Clotteau, Thank You And Welcome

"N'hésitez pas. ce qui compte c'est la conviction, et non le regard des autres." Brigitte Thito, Family Self Care

*Source : We Are Sista

Les femmes entrepreneures au Village

Article écrit par :
Lorem Fusce
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Le Village by CA
Audrey Vandersteen
Head of Startup Programs
Le Village by CA
Joana Dias
Startup Manager
Le Village by CA